Juriste,
infirmière, religieuse, Patricia Cahn a plus d’une corde à son arc. Elle est
actuellement engagée dans la mission de la Fondation Josefa. Elle répond à nos
questions.
Le Messager: Patricia, peux-tu te présenter en quelques mots et aussi, peut-être
évoquer les appels de Dieu qui t’ont marquée?
Patricia Cahn: Après une formation de juriste,
j’ai suivi des études d’infirmière, j’ai travaillé dans une maison de repos et
de soins, proche de personnes âgées et de personnes en fin de vie. Mon histoire
a fait que je souhaitais cette profession de proximité, que j’ai beaucoup aimée.
J’en parle au passé parce que j’ai suivi ensuite un complément de formation en
théologie à l’Institut Lumen Vitae, au cours duquel, à un moment où
j’envisageais une réorientation professionnelle, j’ai croisé les fondateurs de
la Fondation Josefa. Je suis également religieuse dans la congrégation du
Carmel Saint-Joseph.
Le Messager: C’est-à-dire?
Patricia: Le Carmel Saint-Joseph, fondé au 19e
siècle à Saint Martin Belle Roche, non loin d’Autun,
en Bourgogne, est une petite branche du grand arbre qu’est l’Ordre du
Carmel. La prière (l’oraison) et les engagements apostoliques sont pour nous
les composantes d’une seule et même vocation. Notre fondatrice n’a pas voulu
que la congrégation ait des œuvres spécifiques. Notre Règle de vie nous demande
d’être à la fois habitées par la prière et apôtres, et nous invite à être à
l’écoute de l’Esprit Saint, qui nous permettra «d’inventer de nouvelles formes
de présence au monde et de découvrir de nouveaux champs apostoliques».
Je ne suis pas issue d’une famille qui m’aurait
baignée dans une culture chrétienne, un chemin
tout tracé pouvant aboutir à la vie religieuse. Etre née dans un milieu
comme celui-là m’a probablement fortifiée. Même la formation dans des écoles
chrétiennes n’a pas été décisive pour moi. Ce qui a été décisif, c’est une
retraite que j’ai vécue à la faveur d’un changement d’école. J’ai croisé sur ma
route la congrégation des Pères Blancs qui m’a fait découvrir un visage d’Eglise
qui m’a parlé pour la première fois. J’avais seize ans. Des personnes
fraternelles, joyeuses de ce qu’elles vivent et prêtes à donner leur vie pour
partir dans des pays lointains, cela m’a touchée et mise en route. J’ai
poursuivi mon bonhomme de chemin, songeant de temps en temps à la vie
religieuse, et poursuivant mes études.
Une deuxième étape a été Louvain-la-Neuve, où
je faisais des études de droit. J’y ai assisté à des conférences sur les saints
du Carmel et sur Charles de Foucauld. Et là, j’ai reçu quelque chose que je
cherchais sans le savoir, une dimension de la vie de foi que je n’avais pas encore
trouvée, à savoir la vie d’oraison et la relation interpersonnelle avec le
Seigneur. Cela a été un moment décisif, où l’appel à la vie religieuse était sans
doute déjà présent. Il a fallu le temps et, au terme d’une étape
d’accompagnement, il y a eu cet engagement au Carmel, où j’ai trouvé les
dimensions d’intériorité et d’engagement apostolique.
Un facteur important a aussi été la
personnalité du prêtre qui animait ces conférences: un homme habité par Dieu. Un
peu comme si, à travers quelqu’un, on rencontre Dieu et l’on se dit: «Mais Dieu
est présent aussi dans ma vie!». La paternité spirituelle, c’est cela: on naît
à la vie divine à travers quelqu’un, à travers un témoin.
Le Messager: Venons-en à ce qui fait ton activité apostolique, la Fondation Josefa. De
quoi s’agit-il? Pourquoi Josefa?
Patricia: Derrière le mot Josefa, on entend le
nom de Joseph. Une figure qui parle aux cultures judéo-chrétiennes et
musulmanes. C’est une figure de migrant, la migration étant au cœur de la
mission de Josefa. A l’origine de la fondation, il y a un couple qui, à travers
son parcours professionnel, humain, spirituel, a été rendu sensible à la
migration. La crise de l’accueil en Belgique, celle de l’hiver 2010-2011, qui a
affecté des milliers de personnes, dont des personnes migrantes, a été pour eux
le point de départ d’un engagement radical. C’est donc une initiative «laïque».
Pour le Carmel saint Joseph, nous avons discerné qu’il y avait là un défi
important, un appel, une mission partagée aujourd’hui, avec Josefa, en Celui
qui nous réunit.
De nombreux conflits divisent les peuples, et
des personnes réfugiées en témoignent jusque dans nos villes. Nous les croisons
quotidiennement. Quel regard poser? C’est une question portée par la Fondation Josefa
qui travaille, au cœur de la ville de Bruxelles, à l’aménagement d’une maison
qui sera un espace d’hospitalité, en réciprocité, pour accueillir, héberger et
accompagner des personnes réfugiées et d'autres personnes, qui n'ont pas connu la migration forcée
et la vulnérabilité qu'elle engendre.
La vision de Josefa, c’est que nous sommes tous
en chemin, nous enrichissant mutuellement, notamment dans la rencontre de personnes
migrantes, de par notre histoire, notre culture, notre enracinement spirituel...
Cette approche est innovante car elle invite chacun à se laisser toucher par l’autre,
et être davantage dans une posture d’hospitalité réciproque. Il faut le reconnaître,
la question de la migration est souvent abordée en termes de chiffres, de
problématiques et plus rarement en termes de «co-insertion», un chemin sur
lequel les uns et les autres sont engagés et s’enrichissent.
La Fondation Josefa est une Fondation d’utilité
publique, l’intérêt général consistant à favoriser le vivre ensemble enrichi
par la présence de personnes migrantes. D’où l’idée d’un espace d’hospitalité en
réciprocité. Un aspect important est le souhait que la personne soit accueillie
dans sa globalité. Une personne ne se réduit pas à des besoins socio-économiques,
mais elle a aussi à une dimension spirituelle. Dans un parcours de migration, cette
dimension doit être honorée, car l’enracinement
spirituel est un point d’appui au cœur de la vulnérabilité de la migration
forcée. Et donc, au sein de la Maison Josefa, nous prévoyons un espace de
méditation ouvert à chacun, avec la tradition religieuse qui lui est propre.
Le Messager: Où en est la Maison Josefa?
Patricia: Un bien immobilier est en vue au cœur de la ville (à Ixelles), conformément au souhait de la Fondation, avec une dimension esthétique voulue pour la Maison Josefa, précisément afin d’inviter à un changement de regard sur la migration. Les plans sont finalisés. Nous prévoyons quarante-deux unités de logement et sommes à l’étape décisive de dépôt d’un permis d’urbanisme.
Le Messager: Un mot pour conclure?
Patricia: Il faut souligner que s’il y a, à la
Fondation Josefa, une intuition chrétienne au point de départ, nous sommes
ouverts à accueillir d’autres partenaires que des partenaires chrétiens,
puisque nous allons accueillir des personnes de toutes confessions… Cela étant,
au nom de ma foi, je dirais que le Pape François nous encourage grandement. Il
insiste sur la dimension prophétique de la vie consacrée, sur le fait que nous
devons être des ‘experts en communion’. Et une proposition comme la Fondation
Josefa a quelque chose de prophétique dans le contexte actuel. Il ne s’agit pas
seulement d’accueillir des réfugiés, mais d’aller beaucoup plus loin: de
recevoir et d’être enrichis. Il y a là un changement de regard important. Ce
n’est pas un projet social, même s’il y aura un impact social, mais plutôt
sociétal, une autre manière de concevoir la vie en société. Josefa
invite donc fraternellement chacun d’entre nous, d’entre vous, à prendre part à
sa mission. N’hésitez pas à nous contacter: www.josefa-foundation.org ou contact@josefa-foundation.org.
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